Simone  Simon

Une malicieuse candeur, une sensuelle féminité

 

 

                                               Vrai nom :  Simonne Thérèse Fernande SIMON

                                               Née à Marseille (Bouches-du-Rhône) le 23 avril 1911.

                                                           Décédée à Paris (8ème) le 22 février 2005.

                                               

 

     On a parlé de quantité d'artistes de génie qui savent tout faire.

     J'aime mieux Simone Simon. 

     Je sais bien qu'elle ne sait pas tout faire, mais je sais que ce qu'elle fait,

      elle le fait admirablement . 

     Et cela, c'est la marque du véritable talent.

 

    Jean Renoir. Le 9 août 1938, à la veille du  tournage de "La bête humaine".   

 

Pourquoi les biographes les plus "autorisés" s'entêtent-ils à la faire naître à Béthune alors qu'elle vit le jour à l'autre bout de l'hexagone ?

 

Fille d'un papa ingénieur, elle passe sa prime enfance en Provence et à Madagascar, et se retrouve à 8 ans à Paris.

 

Dotée d'un joli timbre de voix, elle débute dans les opérettes, le plus souvent sur la scène des Bouffes-Parisiens, notamment dans O mon bel inconnu de Reynaldo Hahn et Sacha Guitry; Le bonheur, mesdames de Francis de Croisset et Henri Christiné avec Michel Simon comme partenaire; Les aventures du roi Pausole d'Albert Willemetz et Arthur Honegger; Toi, c'est moi de Henri Duvernois et Moyses Simon, une aventure antillaise menée tambour battant par le duo Pills-Tabet secondé par Pauline Carton et Ginette Leclerc. 

 

Quant au cinéma, elle l'aborde par une petite participation à un court métrage burlesque de Jean Tarride. 

 

C'est accompagnée de sa maman qu'elle se joint aux candidates effectuant des bouts d'essai pour Marc Allégret. 

Celui-ci prépare la première version sonore de Mam'zelle Nitouche, d'après l'opérette de Hervé, Meilhac et  Millaud, et  tombe rapidement sous le charme de ses taches de rousseur, de son nez retroussé, de sa candeur et de sa vivacité d'esprit. 

Il l'engage pour une petite composition, bientôt suivie par une plus conséquente grâce à La petite chocolatière, d'après la pièce de Paul Gavault. 

Dès cet instant, une réelle complicité s'installe entre Marc l'esthète et sa jeune interprète (elle a tout juste 20 ans). 

Simone devient sa muse, sa protégée.

Une relation amoureuse faite de tendresse, de pureté et d'admiration réciproques s'établit.

 

C'est avec le personnage de Puck  dans Lac aux dames, la délicieuse femme-enfant imaginée par la romancière allemande Vicki Baum, qu'elle connaît son premier véritable succès. Marc la dirige cette fois dans le rôle principal et n'hésite pas à la filmer, certes fugacement, la poitrine légèrement dénudée, ce qui n'est pas d'usage courant pour l'époque (B.B. en fera davantage par la suite… quant à aujourd'hui ?).

Cela étant, l'immense succès qu'elle recueille n'est pas uniquement le fait de ce bout d'anatomie, aussi ravissant soit-il.  Il s'y ajoute un savant mélange d'innocence et de tendre provocation, de même qu'un talent qui explose au point que les adolescentes l'envient, tiennent à lui ressembler par sa coiffure et son côté négligé… savamment étudié.  

 

En 1936, la 20th Century Fox qui a visionné le film, l'appelle et la convainc de traverser l'Atlantique.  Flattée, elle se confie à Marc.  Nantie de sa bénédiction, elle décide de tenter la grande aventure hollywoodienne.

Hélas, les cinq films qu'elle tourne sont tombés depuis bien longtemps dans les limbes de l'oubli et leurs titres aujourd'hui ne disent plus grand-chose, si ce n'est Seventh Heaven de Henry King, le remake sonore de L'heure suprême tourné en 1927 par Frank Borzage.

 

Non seulement, une perceptible déception l'envahit peu à peu, mais en plus, la voilà mêlée à un scandale attisé par les ligues puritaines et en particulier par la redoutable échotière Louella Parsons.  Ce scandale abusivement codé sous le nom de "clés d'or" ne mérite pas que l'on s'y attarde (la presse people de l'époque s'en est largement chargée).  Il n'empêche que le déchaînement des bonnes dames patronnesses contraint notre imprudente Simone à rentrer en France.

 

Ce retour, providentiel, est attendu par Jean Renoir qui lui offre l'un de ses plus beaux rôles, si ce n'est le meilleur, celui de la perfide et sensuelle Séverine tel que Zola l'a dépeinte dans son magnifique ouvrage des Rougon-Macquart : La bête humaine.

Un drame de la jalousie dans le milieu hermétique et solidaire des cheminots. Une excellente prestation face au premier des comédiens français, Jean Gabin, et puis cette réplique superbe qu'elle lui adresse avec une concupiscence à peine voilée : "Ne me regardez pas comme ça, vous allez vous user les yeux".

Renoir, enthousiasmé par sa jeune interprète, lui propose l'année suivante d'interpréter la marquise de la Chesnaye dans La règle du jeu.  Simone, à nouveau un œil sur Hollywood, hésite, tergiverse et finit par refuser loin de se douter qu'il deviendra le film culte, le chef-d'œuvre du cinéaste. Elle abandonne son rôle à l'Autrichienne Nora Gregor, dont se sera l'unique prestation en France avant son tragique suicide au Chili.

 

La guerre éclate.  Simone reprend pied sur le continent américain, l'opprobre apparemment dissipé. Hélas, ce qu'on lui propose n'est guère mieux que précédemment, sauf Cat People / La féline une réalisation de la  RKO dont le climat baigne dans une atmosphère fantastique bien maîtrisée par Jacques Tourneur.  Dans ce film apparemment oublié des rediffusions (si ce n'est Arte qui tout récemment l'a placé en programmation) , Simone, troublante et ambiguë, se dédouble en femme-panthère, c'est tout dire. Qui d'autre aurait pu entrer dans ce personnage ?

En 1946 : retour en France.  Jean Renoir n'est plus là pour l'attendre, il s'est définitivement fixé à Beverly Hills, mais l'excellent Max Ophüls prend sa succession et lui offre deux très beaux rôles : le modèle répudié, trop amoureuse de son peintre que le désespoir conduit au suicide, pour l'un des sketchs du Plaisir , et  celui de la gracieuse  soubrette de La ronde.

Néanmoins, c'est la fin de la carrière de Simone.

 

Pour d'évidentes raisons sentimentales dont elle fait sa priorité.

 

Elle mène une vie calme et confortable, dessine et sculpte, détachée de ce milieu très souvent factice du 7ème art qu'elle connaît trop bien.

 

Après une absence de 16 ans, elle consent d'apparaître une dernière fois, feutrée, évanescente, émouvante dans La femme en bleu de Michel Deville.  Cela sous forme d'ultime clin d'œil complice.  Et malicieux. 

 

Sait-elle, au moins, que nombre de cinéphiles gardent, à tout jamais, en mémoire, son charmant minois de pékinois et sa moue faussement boudeuse qui avaient déjà, très tôt, ravit la grande Colette ?

 

La femme de lettres, qui avait d'ailleurs immédiatement reconnu en Simone l'une de ses ingénues… délicieusement libertines.

 

Toujours discrète, dans la nuit du 22 février 2005, la petite Puck s'éteint et s'en va rejoindre le panthéon de nos nostalgies…

 

 

FILMOGRAPHIE.

 

1931  On opère sans douleur, court métrage de Jean Tarride, avec René Lefèvre.

          La petite chocolatière, de Marc Allégret, avec Raimu.

          Mam'zelle Nitouche, de Marc Allégret, avec Raimu.

          Le chanteur inconnu, de Victor Tourjansky, avec Lucien Muratore.

          Durand contre Durand, d'Eugène Thiele et Léo Joannon, avec Roger Tréville.

1932  Le roi des palaces, de Carmine Gallone, avec Jules Berry.

          Pour vivre heureux, de Claudio della Torre, avec Noël-Noël.

          Prenez garde à la peinture, de Henri Chomette, avec Jean Aquistapace.

          Un fils d'Amérique, de Carmine Gallone, avec Albert Préjean.

1933  Tire-au-flanc, de Henry Wulschleger, avec Bach.

          L'étoile de Valencia, de Serge de Poligny, avec Jean Gabin.

1934  Lac aux dames, de Marc Allégret, avec Jean-Pierre Aumont.

1935  Les yeux noirs, de Victor Tourjansky, avec Jean-Pierre Aumont.

          Les beaux jours, de Marc Allégret, avec Jean-Pierre Aumont.

1936  Girls' Dormitory / Dortoir de jeunes filles, d'Irving Cummings, avec Herbert Marshall.

          Seventh Heaven / L'heure suprême, de Henry King, avec James Stewart.

          Ladies in love / Quatre femmes à la recherche du bonheur, d'Edward H. Griffith, avec Paul  

          Lukas

1938  Josette, d'Allan Dwan, avec Robert Young.

          Love and Hisses / Yvette, Yvette, de Sidney Lanfield, avec Bert Lahr.

          La bête humaine, de Jean Renoir, avec Jean Gabin.

1939  Cavalcade d'amour, de Raymond Bernard, avec Michel Simon.

1941  All that money can buy / The devil and Daniel Webster / Tous les biens de la terre, de

          William Dieterle, avec Edward Arnold.

1942  Cat people / La féline / La femme panthère, de Jacques Tourneur, avec Kent Smith.

1943  Tahiti Honey / Idylle à Tahiti, de John H. Auer, avec Dennis O'Keefe.

1944  Johnny doesn't live here anymore, de Joe May, avec James Ellison.

          Mademoiselle Fifi, de Robert Wise, avec John Emery.

          The curse of the cat people / La malédiction des hommes-chats, de Robert Wise, avec Kent

          Smith. 

1946  Pétrus, de Marc Allégret, avec Fernandel.

          Temptation harbour / Le port de la tentation, de Lance Comfort, avec Robert Newton.

1949  Donne senza nome / Femmes sans nom, de Geza Radvanyi, avec Gino Cervi.

1950  La ronde, de Max Ophüls, avec Daniel Gélin.

          Olivia, de Jacqueline Audry, avec Edwige Feuillère.

1951  Le plaisir, sketch "Le modèle" de Max Ophüls, avec Daniel Gélin.

1954  I tre ladri / Les trois voleurs, de Lionello De Felice, avec Jean-Claude Pascal.

          Double destin / Das zweite Leben, de Victor Vicas, avec Bernhard Wicki.

1956  Extra day, de William Fairchild, avec Richard Basehart.

1972  La femme en bleu, de Michel Deville, avec Michel Piccoli.

 

 

© Yvan FOUCART   pour  www.lesgensducinema.com